“Ce n’est pas parce que mon corps proteste, que ma tête fait la même chose”

 

Phillip est un jeune gars de 27 ans, que nous rencontrons sur le campus de son université à Cape Town. Il y fait des études d’informatique et se fait surtout la main sur la programmation. Développer des applications pour Android est sa plus grande passion pour le moment, quoi qu’il admet qu’il a encore beaucoup à apprendre. Phillip a une attitude positive, a beaucoup de beaux rêves, raconte sa vie de manière honnête et plein de sentiment. Une personne chaleureuse avec un sourire extrêmement sympathique, qui espère pouvoir aider d’autres gens en racontant son histoire.

 

Comment tes parents ont-ils découverts que tu as la myopathie de Duchenne?

Phillip:

J’étais assez jeune – j’avais que neuf ans – quand ma maman a remarqué que je marchais sur la pointe des pieds et que j’avais des difficultés à monter des escaliers. Au début, elle pensait que c’était une phase et que ça passerait. Quand j’avais de plus en plus besoin de mettre mes mains sur mes genoux pour avoir plus de force, que je tombais régulièrement et que je courrais toujours moins vite, elle savait qu’il y avait autre chose. J’avais onze ans quand j’ai été diagnostiqué. A 19 ans, je me déplaçait en chaise roulante.

 

Quelles sont les différences entre toi-même et tes pairs?

Phillip:

J’ai toujours été à une école normale et pendant longtemps, j’ai tenté d’être comme mes amis. Je faisais du sport, ce que j’adorais. J’ai commencé avec le foot, mais quand je commençais à avoir du mal à courir vite, je suis passé au ping-pong et au snooker. Oui, j’avais des possibilités plus limitées, mais je trouvais à chaque fois une manière pour être doué pour ce que je faisais.
Ce qui est le plus difficile, c’est d’arriver à temps pour mes cours. Il n’y a pas beaucoup de gens qui m’aident, ce qui fait que ça prend plus de temps pour me déplacer. C’est parfois frustrant.

 

Comment tes amis se comportent-ils vis-à-vis de ta maladie?

Phillip:

Quand j’étais plus jeune, cela ne posait pas trop de problèmes. Puisque j’étais fort pour certaines choses (comme le snooker), mes amis m’admiraient. Ils avaient du respect pour moi. Evidemment, j’ai été harcelé, car des enfants peuvent être dur. Ils imitaient ma façon de marcher et se moquaient de moi. Cela me rendait tellement fâché que je devenais agressif. J’ai souvent frappé quelqu’un qui me ridiculisait. Et quand je ne pouvais plus le faire moi-même, mon frère n’était jamais trop loin pour venir me défendre.
Plus je vieillis, plus j’ai des difficultés à faire des amis. Les amis que j’ai, ont atteints une phase où la ‘masculinité’ joue un rôle important. Se comporter comme des sauvages, sortir en discothèque, boire trop d’alcool, pratiquer des sports extrêmes, draguer les femmes. Je ne sais et je ne veux pas participer à ça, ce qui fait que je me retrouve seul de plus en plus. Faire des nouveaux amis n’est pas facile non plus, parce que la plupart des gens ne rentrent pas en contact avec une personne handicapée. Cela leur fait peur, me semble-t-il.

 

Quel est l’impact de la maladie de Duchenne sur ta famille?

Phillip:

Au début, il y avait le choc. Le diagnostic était affreux, c’est clair. Mais maintenant, ma famille l’a accepté. Mon frère et ma sœur ne se sont jamais moqués de moi. Ils me défendaient quand je n’avais plus les possibilités physiques de le faire moi-même.
Puisque je vis toujours à la maison, je dépends fort de ma maman. Elle me conduit à l’université et vient me rechercher à la fin de la journée. Elle a spécialement dû acheter une plus grande voiture pour cela. Elle m’a aussi aidé à collecter des fonds pour pouvoir acheter un fauteuil roulant électrique. J’en avais besoin parce que je n’ai plus assez de force dans mes bras pour pouvoir pousser moi-même et l’aide que les autres étudiants m’offrent, est plutôt limité.

 

La myopathie de Duchenne, est-elle connue ou pas?

Phillip:

Trop peu de personnes connaissent la maladie. Si je dis que j’ai une dystrophie musculaire, la plupart de mes amis ne peuvent même pas répéter le nom. Les symptômes sont assez flagrants quand on les connait, mais il y a peu de gens qui les reconnaissent effectivement.
Dans mon université, ils n’ont aucune idée de ce que représente ma maladie. Il n’y a personne qui l’a étudiée ou qui a simplement cherché des informations. A vrai dire, j’ai tellement de travail pour mes études, que je n’ai plus le temps pour les exercices physiques que je devrais faire. Avant, il y avait un physiothérapeute qui venait à la maison et je nageais régulièrement. Mais je n’ai absolument plus le temps pour cela maintenant. Il n’est pas possible d’avoir un programme adapté, probablement parce qu’ils ne se rendent pas compte du besoin de ces exercices.
C’est tellement important de sensibiliser le public sur la myopathie de Duchenne. Cela pourrait aider les parents à détecter la maladie chez leurs enfants dès le plus jeune âge. Parce que cela peut vraiment arriver à n’importe qui!
Si demain tout est possible…

Phillip:

Je voudrais bien voyager, découvrir le monde. Je suis persuadé que cela me donnerait une sensation de paix. De préférence, je voudrais conduire moi-même, pour ne pas être dépendant d’autres.
Après mes études, je voudrais lancer une entreprise pour former des jeunes gens dans le monde de l’informatique. Je voudrais leur montrer que programmer n’est pas trop difficile, tant que tu t’exerces assez et que tu y consacres du temps. Je voudrais également lancer une compagnie de bus, avec des bus spécialement développer pour des personnes handicapées. Je sais par expérience que ce n’est pas facile du tout d’utiliser le transport public quand on est dans une chaise roulante. Cela te prend ta liberté et indépendance. J’aimerais bien changer ça.

 

Que voudrais-tu encore dire aux gens?

Phillip:

J’aimerais beaucoup que les gens comprennent qu’une incapacité physique n’est pas toujours liée à un handicap mental. J’ai un problème avec mes jambes, pas du tout avec ma tête. Nous sommes des gens très normaux, comme vous tous. Nous avons des sentiments, nous tombons amoureux, nous rions et pleurons. Nous sommes capables d’avoir des conversations intéressantes. Ne soyez pas apeurés par cette chaise roulante.