Beauté, merveille… et brigade des moeurs

Compte rendu: Iran 2013. Souks in Esfahan - Motomorgana, nomads riding around the world on a motorbike adventure.
Souks in Esfahan
Après nos aventures des derniers jours, Isfahan s’annonce comme un retour bienvenu à la civilisation. La température et la circulation en ville sont à nouveau accablantes, mais nous trouvons très vite un super-hôtel (super bon marché qui plus est). Nous suivons les conseils de la population locale et aboutissons finalement dans le restaurant ‘le plus chic de la ville’. Qui s’avère à peine exagéré. Des serveurs en smoking nous présentent les plats les plus exquis, traditionnels du pays et le cadre est enchanteur. Un petit verre de vin aurait été la cerise sur le gâteau, mais pour le prix que nous avons payé, nous n’avons pas à nous plaindre.

Rentrer à l’hôtel à pieds après un repas aussi plantureux ne nous semble pas une bonne idée. Alors que nous cherchons un taxi, une voiture s’arrête à notre hauteur et ouvre sa portière. Question: « Etes-vous chauffeur de taxi ? » Réponse: « Non, mais je vais parler l’anglais avec vous. Montez! ». L’homme nous propose de nous montrer la ville et nous invite à partager le repas de midi le lendemain. Comme ça, pour rien. Notre compagnie suffit. Ici, l’hospitalité dépasse nos attentes. Et donc, nous décidons de consacrer quelques jours à profiter de la ville, de ses richesses architecturales et de ses habitants chaleureux. Alors que nous allons de palais en mosquée en bazar et nous laissons guider par de fiers habitants, l’état du poignet de Caro s’améliore et nous reprenons notre périple vers le Sud. Nous parcourons joyeusement de petites routes tortueuses à l’abandon, direction Shiraz. Alors que nous cherchons un endroit où monter notre tente dans ce coin perdu, notre regard est attiré par un immense hôtel. Le parking est vide et on n’y voit âme qui vive. Néanmoins, l’hôtel est ouvert. Apparemment nous étions arrivés dans une station de ski mondaine et pour une somme plus que modique, le directeur de l’hôtel souhaitait arrondir ses fins de mois en dehors de la saison. Pur luxe!

Jusqu’à présent, nos rencontres avec d’autres touristes avaient été très rares. Nous n’étions pas contre, mais il y a très peu de touristes étrangers dans ce pays. Sauf à Shiraz. L’ambiance cordiale de cet hôtel perse traditionnel est un pôle d’attraction pour les touristes qui viennent de tous les coins du monde. La grande cour semble sortie d’un décor d’Aladin. Et lorsqu’on s’allonge sur un des nombreux divans couverts de coussins, on s’engage bien vite dans une conversation animée qui se prolonge avec plus de gens encore dans une ambiance intime. Même les voiles sont parfois mis de côté.

Mais en dehors de l’hôtel, l’atmosphère est bien différente. Ce qui auparavant avait été la région viticole par excellence, connue de par le monde pour le raisin Shiraz, est actuellement le théâtre des actions de la police des mœurs réactionnaire. Alors que dans le Nord, on nous a plus d’une fois proposé de l’alcool (illégal), ce que nous avons d’ailleurs toujours refusé vu la qualité douteuse, tout se déroule ici de manière beaucoup plus stricte et disciplinée. Un « mauvais » comportement est immédiatement puni et les femmes sont chassées du parc sous des cris stridents alors que les hommes peuvent y rester. Ici, l’émancipation est encore un vain mot…

L’endroit le plus chaud de la planète

Notre prochaine destination est Kerman, situé plus à l’Est. Afin d’éviter la chaleur et la circulation dense, nous enfourchons dès 6 heures du matin nos motos. L’asphalte fait place à d’agréables pistes et dan ce magnifique paysage de rêve, nous apprécions d’autant plus notre petit déjeuner, composé d’œufs à la coque et de pain plat sans goût. Pleins d’énergie, nous fonçons sur le lac salé de Bakhtegan et nos pneus de rallye en sont heureux! Caro s’en tire très bien et alors que je m’arrête pour prendre une photo, elle me dépasse à vive allure avec beaucoup d’assurance. ‘That’s my girl!’. Le temps de ranger mon appareil-photo et elle est déjà bien loin. Je suis obligé d’accélérer pour rejoindre le petit point noir au loin. Mais alors que je la rejoins, je vois dans le sable mou une trace de dérapage et au bout, ma Caro gémissante sous sa moto. Cela ne s’annonce pas bien! Je relève la moto et tente d’évaluer les dégâts physiques. Elle a du mal à respirer et se plaint de douleurs importantes au niveau des côtes. Pas question de rester sur place. Une bonne dose d’analgésiques la soulage un peu, mais il n’est plus question de rouler en « off road » pour le moment. Un Iranien obligeant l’embarque avec sa KTM dans son pick-up et la dépose à la sortie du lac, au départ de la route. De là, les kilomètres défilent petit à petit, et notre réserve d’analgésiques diminue à vue d’œil.

Compte rendu: Iran 2013. Dasht-e-Lut desert - Motomorgana, nomads riding around the world on a motorbike adventure.
Dasht-e-Lut desert
La ville de Kerman est réputée, porte d’entrée au Dasht-e-Lut, un désert qui est, selon les dires, l’endroit le plus chaud du globe. Personne ne s’étonne ici d’une température de plus de 65 degrés. Sauf nous, bien sûr. Entretemps, Caro se présente à l’hôpital. Verdict: des côtes contusionnées. Pendant quatre jours, elle ne roulera pas, avalera quantité de médicaments, s’enduira de crèmes et protègera ses côtes d’un corset serré.

Grâce à l’exploitant de la pension, nous parvenons à régler une voiture avec deux touristes, un Espagnol et un Suisse, pour permettre à Caro de découvrir le désert. Il est déjà plus de quatre heures lorsque nous entamons le trajet de Kerman vers Dasht-e-Lut. La température est, selon les normes locales, raisonnable (c’est-à-dire sous les 40 degrés). Dans les massifs montagneux plus élevés, elle baisse jusqu’à 25 degrés. Mais la longue descente vers le désert s’accompagne d’une température qui, semble-t-il, ne cesse de grimper. La voiture roule en tête, elle roule vite, si bien que nous profitons encore du coucher de soleil. J’essaie coûte que coûte de suivre la voiture, mais une température de 49 degrés à une vitesse de 100 km/heure me donne l’impression d’être grillé vivant. Je ne m’attendais vraiment pas à une telle chaleur, certainement pas à 7h30 le soir. Mais la splendeur du désert me fait tout oublier. Le vent a façonné le paysage pour en faire un théâtre de sculptures élancées vers le ciel, dansantes dans l’ombre du soleil couchant. Je me sens heureux et je joue comme un enfant dans ce bac à sable géant. Ma KTM est tout aussi contente. C’est son biotope. Un cultivateur d’ail nous propose un repas délicieux, après quoi, l’estomac bien rempli, nous fermons les yeux pour la nuit.